Nous avions fini par nous y habituer. La société changeait, la clinique changeait et notre pratique s’enrichissait. Nous avions des points de vue différents, certains étaient férus de psychanalyse, d’autres plus attirés par les thérapies systémiques voire cognitives, mais nous exercions ensemble dans des institutions reconnues de tous et garantes d’un désir et d’un devoir centré sur le bien commun. Chacun des praticiens était porteur d‘une mission collective qui générait une pratique forte, relativement stable et identifiable. Peu ou prou, nous partagions tous une certaine idée de la maladie, de la guérison mais aussi de ce que recouvrait des mots comme la « réussite » ou l’ « école ». Bien sûr nous n’étions pas sans savoir que le discours universitaire (hospitalier, pour ce qui nous concerne) avait tendance à privilégier un modèle conceptuel (le cognitivisme) plutôt qu’un autre (la psychanalyse), mais même si cela donnait parfois l’impression à certaines familles d’un bric-à-brac, voire d’une liste à la Prévert, nous avions appris à puiser dans cette diversité pour continuer à travailler comme nous pensions devoir le faire. Bon an mal an, nous arrivions tous à travailler ensemble autour des mêmes patients.
( …….) Il est encore temps, nous avons une chance d’être entendu, mais il y a deuxième une condition à cela : pour rentrer dans l’arène bon nombre d’entre nous, vont devoir faire l’effort de remettre en question leur « confort épistémologique. » Nous ne pouvons plus nous permettre de regarder le monde de la psychiatrie universitaire du haut de notre superbe en arguant que la psychanalyse ne doit pas être rayée de la carte, Nous ne pouvons plus pousser des cris d’orfraie devant des mots comme neurosciences et génétique en refusant sans autre forme de procès de possibles avancées scientifiques.
Si nous voulons gagner ce combat, il nous faut abandonner la rhétorique paresseuse du « ou bien, ou bien » et s’intéresser à la fois a l’inconscient et aux avancées des neurosciences, proposer des thérapies mais aussi des rééducations des troubles instrumentaux, remettre en question la systématisation du passage par la MDPH et témoigner des effets merveilleux de l’intégration scolaire pour nombre de nos jeunes patients autistes. Pour que la psychanalyse ne passe pas définitivement à la trappe, nous devons tous et tout de suite faire cet effort d’entendre d’autres paroles que les nôtres et d’y répondre. C’est dans ce rapport dialectique vivant que notre pratique pourra perdurer et s’enrichir.
Et à ceux qui, au nom de la psychanalyse, se réclament de la richesse de la poésie pour refuser une soi-disant pauvreté du « discours-savoir » scientifique, nous dirons que même si l’homme à posé le pied sur la lune, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui comme hier nous savons dire que « la terre est bleue comme une orange »…..
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